La revue trimestrielle du Gsara


L’oeil de l’archiviste

« Canards… boiteux ? » : la presse écrite face à l’audiovisuel

Alain-Brice HaeghensOptiques n°5 – automne 2024

Au programme de cet Œil de l’archiviste, revenons quelque peu en arrière sur l’évolution de la presse écrite en Belgique francophone en proie à la montée des autres médias.

Quel avenir pour la presse en Belgique francophone ? Si la question se pose encore aujourd’hui, c’était déjà le cas à la fin des années 1980.

En décembre 2023, un article de l’Écho1 affirmait que la presse-papiers n’était pas prête à disparaître, énonçant ses avantages et ses inconvénients. Une bonne trentaine d’année plus tôt, le GSARA réalisait Canards… boiteux ?, compte-rendu d’un colloque à l’occasion du 150e anniversaire du Journal de Charleroi (quotidien disparu en 1997).

À l’époque, un million d’exemplaires sont tirés chaque jour dans le Sud du pays. Si ce nombre est en net recul depuis 1945, la presse écrite quotidienne est alors encore le média n°1 d’information. Mais tout cela est en train de changer. C’est devenu un produit cher, les gens disent ne plus avoir le temps de lire et, surtout, la télévision s’infiltre de plus en plus dans le quotidien des ménages. La presse écrite doit donc s’adapter, se défendre et marquer sa singularité.

Malgré tout, elle va subir un phénomène de concentration et la formation de grands groupes de presse. Certains craignent alors pour le maintien du pluralisme, particulièrement dans les milieux de gauche où l’on peine à rassembler des investisseurs. Les patrons de ces grands groupes vont également se tourner massivement vers l’audiovisuel. Mais la presse écrite va continuer de faire de la résistance. Les invités de ce colloque se montrent alors assez critiques envers la télévision. L’audiovisuel est perçu comme un « fluide ».

La télévision, en tant que média de masse, ne prendrait pas position. Elle ne présenterait que des informations immédiates, alors que le lecteur de la presse écrite quotidienne viendrait justement chercher autre chose que cette simplification audiovisuelle. L’idée générale est que le lecteur est plus libre que le téléspectateur et que la presse écrite est un empêcheur de tourner en rond. Le parallèle avec les réseaux sociaux est également évident. Par contre, si à l’époque, ils imaginent difficilement une télévision d’opinion, la réalité nous montrent qu’actuellement l’audiovisuel semble de plus en plus polarisé !

  1. Pourquoi la presse papier n’est pas près de disparaître, Jean-François Sacré (https://www.lecho.be/entreprises/media-marketing/pourquoi-la-presse-papier-n-est-pas-pres-de-disparaitre/10510422.html) ↩︎

Alain-Brice Haeghens

Chargé de l’Archivage et de la Médiathèque