Focus
« Guerrières ! », un festival féministe par nécessité ou quand l’art vivant a valeur de remède
Un contexte où liberté et démocratie sont mises à rude épreuve.
L’année écoulée a été particulièrement éprouvante, marquée par des événements tragiques qui mettent en lumière des problématiques profondément ancrées dans notre société. Tout d’abord, le procès Mazan a révélé au grand jour et de manière choquante la culture du viol, exposant les mécanismes de silence et de honte qui entourent les victimes, et soulignant l’urgence d’un changement de mentalité. Parallèlement, le corps des femmes est devenu un véritable champ de bataille dans des conflits dévastateurs à Gaza, en Israël, en République du Congo et en Ukraine, où les violences sexuelles sont utilisées comme armes de guerre, infligeant des souffrances incommensurables et exacerbant les inégalités de genre.
Dans le même temps, les droits des femmes sont gravement menacés par la montée inquiétante de l’extrême droite à travers l’Europe, qui s’accompagne d’un retour des politiques anti-IVG et d’une remise en question des avancées durement acquises. Cette tendance est également visible dans le démantèlement des droits de la communauté LGBTQIA+, où les attaques contre leur dignité et leur sécurité se multiplient. De plus, la fin des mesures en faveur de la diversité et l’offensive anti-migrants aux États-Unis témoignent d’un climat de peur et d’intolérance qui semble s’intensifier.
Aujourd’hui, nous découvrons les campagnes d’intimidation et de censure visant les librairies et les bibliothèques avec pour objectif de bannir des rayonnages les ouvrages sur la sexualité, l’identité de genre ou traitant de la lutte contre les discriminations.
Ces événements, qui s’entrelacent et se nourrissent les uns des autres, nous laissent sans voix et soulignent l’urgence d’une mobilisation collective pour défendre les droits fondamentaux et promouvoir un avenir plus juste et égalitaire pour tous.
Les théâtres, formidables outils de pensée, sans tabou ni jugement
Depuis sa création, le festival Guerrières donne à voir et à entendre la manière dont les artistes, femmes ou se définissant comme telles, prennent le pouls du monde qui les entoure. Ce festival met en lumière la richesse et la diversité des voix féminines, offrant une plateforme pour explorer les réalités contemporaines qui nous touchent toutes et tous.
Militant, sans rien de querelleur ou de misandre, Guerrières propose des projets aux contenus et aux gestes poignants, qui visent à éveiller les consciences et à susciter des réflexions profondes. Chaque performance est une invitation à réfléchir sur notre société et à envisager des voies vers une construction collective d’un avenir plus égalitaire, plus juste et plus inclusif.
Toucher à l’intime pour mieux atteindre l’universel
Les spectacles présentés sont souvent des histoires vécues, amenées sur scène par celles qui les ont expérimentées. Ces récits personnels, bien que profondément ancrés dans des expériences individuelles, résonnent avec l’Histoire au sens large, révélant les dynamiques du Système qui est le nôtre et dont nous voulons modifier les sombres facettes.
Quelles sont les artistes Guerrières 2025 et de quoi parlent-elles ?
Dans cette cinquième édition qui se tiendra à Mons du 26 mars au 4 avril, Sandrine Juglair interroge, par son spectacle de cirque familial Dicklove, les assignations et rend évidente la liberté d’identité de genre ; Virginie Thirion, autrice et metteuse en scène basée à Bruxelles, enquête sur un siècle de secrets familiaux, de non-dits, et de féminisme dans …comme un poisson sans bicyclette1 ; Sarina, chanteuse aveugle ayant reçu le prix de femme inspirante 2022, rend hommage – dans son spectacle musical Lève-toi – à celles qui ont changé le monde grâce à leur musique – de Joan Baez à Billie Eilish, Anne Sylvestre ou Joséphine Backer – ; Macha Siokos, comédienne sortant du Conservatoire de Mons – offre son amour à sa grand-mère chti et témoigne de l’importance de l’éducation à la vie affective et sexuelle dans Bêtes d’orage ; Luce Goutelle explore les chemins de réparations suite à des violences sexuelles et propose au public de participer à une toute première sortie de résidence de son projet Les réparations ; Emmanuel de Candido, dans son spectacle poignant Fils de bâtard, raconte comment il a décidé de rechercher un père qu’il ne connaît pas avant de se rendre compte que la véritable héroïne de sa vie, c’est bien sa mère qui l’a élevé seule ; Laurène Marx et Bwanga Pili Pili dénoncent le racisme systémique et les violences policières dans une lecture de Portrait de Rita ; Marinette Dozeville, avec 10 danseuses au plateau et une grande liberté de disposer de leur corps, met en lumière la culture lesbienne et écoféministe.
Soit autant de guerrières qui changent la face du monde avec puissance et douceur.
Le festival Guerrières finalement, c’est quand ? C’est où ? C’est quoi ?
Ce rendez-vous propose somme toute des spectacles bouleversants ou drôles, des histoires d’émancipation, de légitimité, de sororité et de luttes, qui nous concernent toutes et tous, au-delà des genres. Soyez les bienvenu·es pour cette cinquième édition !
Quand ? du mercredi 26 mars au vendredi 4 avril 2025
Où ? à Mons, dans différents lieux de Mars, Mons arts de la scène (Arsonic, Théâtre le Manège, Théâtre Royal, Maison Folie).
Quoi ? Chaque soir, il est possible de vivre des soirées combinées de deux spectacles et d’activités diverses et variées proposées par des associations partenaires (conférences, expos, ateliers, arpentage, rencontres littéraires…
Combien ? 1 spectacle : 12€/ 5€(étudiant·es)/ 3€ (- de 12 ans). Soirée combinée 2 spectacles : 20€/ 10€ (étudiants)/ 6€ (- de 12 ans)
Sélection : 26.03 : Sarina – Lève toi. 26 & 27.03 : Juglair – Dicklove. 27, 28 & 29.03 : Virginie Thirion – …comme un poisson sans bicyclette. 28 &29.03 : Macha Siokos – Bêtes d’orage. 30.03 : Bwanga Pilipili & Laurène Marx – Portrait de Rita. 1.04 : Emmanuel de Candido – Fils de bâtard. 3.04 : Luce Goutelle – Les réparations. 4.04 : Marinette Dozeville – C’est pour ça que don Quichotte décida de sauver le monde & After party.
Programme complet : www.surmars.be
- « Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette » est un des slogans féministes les plus connus au monde. S’il provoque un effet immédiat sur le muscle des zygomatiques, il porte aussi en soi un propos révolutionnaire et symbolise l’inventivité des militantes féministes en matière de slogans politiques. ↩︎
Berengere Deroux
Programmatrice du Festival Guerrières