La revue trimestrielle du Gsara


Analyse

Quel cadre juridique pour le marketing belge d’influence ?

Justine EsserOptiques n°1 – automne 2023

La campagne d’Education permanente du GSARA porte cette année sur le marketing d’influence belge. Avec cette campagne, l’idée est de vous faire comprendre le marketing d’influence dans sa globalité et avec ses nuances pour que vous vous fassiez une opinion en comprenant les enjeux, défis, et avantages de ce type de marketing.

Il nous paraît essentiel d’évoquer le cadre juridique et les lois que les acteurs du marketing d’influence doivent respecter ainsi que les instances qui entrent en jeu lorsqu’il y a des infractions. Actuellement, il n’existe pas, en Belgique, de loi régissant spécifiquement le marketing d’influence, mais cela ne signifie ni que tout est permis, ni que cette pratique n’est pas soumise à certaines règles.

Depuis 2021, les influenceurs doivent respecter le décret relatif aux services de médias audiovisuels et aux services de partage de vidéos. Les vidéos postées sur les réseaux sociaux, comme les reels sur Instagram, sont en effet des vidéos soumises comme telles à la réglementation audiovisuelle, ce qui constitue une grande nouveauté par rapport à l’ancien décret. C’est le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui est le garant de cette législation : il s’agit d’une autorité administrative indépendante en charge de la régulation du secteur des médias audiovisuels en Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle veille notamment au respect des règles à suivre en matière de publicité audiovisuelle au sens le plus large. Après avoir identifié un problème sur le compte d’un influenceur, le CSA va envoyer un courrier de rappel à l’ordre. Si aucun changement n’est fait sur le compte, une amende proportionnelle au gain engendré sera donnée à la personnalité. Ce type de sanction n’a pas encore été attribué.

Mais les influenceurs sont aussi des acteurs économiques et à ce titre, ils doivent également respecter le Code du droit économique qui a notamment pour objectif de protéger les consommateurs. Ce Code est applicable dès qu’une publication contient, mentionne ou met en avant une marque, un produit ou un service quelconque. Ces règles sont une transposition de la Directive européenne de 2005 relative aux pratiques commerciales, ce qui signifie qu’elles sont homogènes dans toute l’UE. Les influenceurs doivent notamment identifier clairement les contenus sponsorisés avec des hashtags comme par exemple #AD #sponsor.

C’est le SPF Economie qui assure le respect de cette législation : il s’agit d’une administration fédérale qui veille à l’exécution et au respect de la législation économique sur le territoire belge, et notamment dans son volet « protection des consommateurs » qui en constitue une part très importante. Il est, par exemple, interdit de faire la promotion de jeux de hasard en ligne. Pour le SPF Economie, lorsque des infractions sont constatées, un avertissement ou un procès-verbal est rédigé. Si l’influenceur respecte la loi après avoir reçu l’avertissement, le dossier est clôturé sans sanction.

Si l’influenceur a reçu un avertissement et continue à ne pas respecter la loi, un procès-verbal est rédigé (ce qui peut donner lieu à des sanctions : une transaction, un renvoi au Parquet ou une amende administrative). Si l’influenceur a déjà reçu un procès-verbal et continue à ne pas respecter la loi, un procès-verbal subséquent est rédigé en indiquant qu’il s’agit de récidive. Dans ce cas, la sanction sera plus élevée. Le montant des transactions/amendes varie selon la/les infractions commises.

Quand une plainte est déposée par un particulier à l’encontre d’une publicité, le Jury d’Ethique Publicitaire (JEP) vérifie la conformité du message publicitaire par rapport aux règles de l’éthique publicitaire.

Il existe une règle moins connue qui est toujours en lien avec le code de droit économique : lorsqu’un influenceur fait la publicité de sa propre marque (de vêtements, de produits dérivés, ….) même s’ils ne sont pas payés pour faire la promotion – car la marque leur appartient – il doit cependant mettre les motions propres à la publicité.
Les ambassadeurs de marques oublient également souvent de mentionner quand leur contenu est sponsorisé, car pour eux, avoir un contrat à long terme et être représentant d’une enseigne fait partie de l’ADN de leur compte. Le SPF Economie a publié des recommandations pour les influenceurs il y a un an, leur expliquant ce qu’il attend d’eux.

Une troisième instance est susceptible d’intervenir en cas de problème avec une publication. Il s’agit du Jury d’Ethique Publicitaire (JEP) qui est un organe d’autorégulation composé de professionnels du secteur de la publicité en Belgique. Quand une plainte est déposée par un particulier à l’encontre d’une publicité, le JEP vérifie la conformité du message publicitaire par rapport aux règles de l’éthique publicitaire. En cas de problème, le JEP peut formuler une décision de modification ou d’arrêt de la publicité. Il faut noter que cette décision n’est pas formellement contraignante, eu égard à la nature de cette instance qui n’est pas une instance publique, mais un organe privé d’autorégulation. Il faut toutefois remarquer que ses décisions sont généralement suivies.

Quand le JEP reçoit une plainte (non-respect de l’identification de la publicité ou publicité mensongère) dans le cadre du marketing d’influence sur un réseau social, il demande à l’influenceur de modifier la publication. Si rien ne va, il faut alors supprimer la publication. Chaque année, 98 à 99 % des décisions du JEP sont respectées. Au cas où ni l’influenceur, ni l’annonceur ne sont d’accord, ils ont la possibilité de faire appel endéans les 5 jours ouvrables (cela correspond à seulement 2 à 3 dossiers par an). Pour renforcer son autorité, chaque organisation agit rarement seule. En effet, le SPF Economie, le CSA et le JEP interviennent en collaboration.

Pour en savoir plus…

Sous influence? Découvrez les coulisses du marketing d’influence belge

Lancée début septembre, la nouvelle campagne d’Education permanente du GSARA « Sous influence? » a pour but d’informer le public sur les enjeux, les avantages et inconvénients du marketing d’influence belge à travers des témoignages, des statistiques et des définitions.

Pour approfondir le sujet, le GSARA vous propose une conférence gratuite intitulée : « Sous influence? Découvrez les coulisses du marketing d’influence belge ».

Comment s’articulent les relations entre les influenceurs, marques et/ou agences ?  Avec quel cadre légal pour encadrer le marketing d’influence ? Ces questions et bien d’autres seront au centre de ce débat qui envisagera aussi ce qu’il faudrait changer dans le marketing d’influence.

Les invités qui participeront à cette conférence :

  • Audrey Adam – Avocate spécialisée en droit des médias
  • Maureen Richard – PR Account manager dans l’agence Walkie Talkie
  • Margot Ruiz – Créatrice de contenus sur Instagram et TikTok
  • Emmanuel Wathelet – Président du Master en Education aux médias à l’IHECS et qui sera médiateur de la conférence

Au programme : 1h de discussion et 30 minutes de questions-réponses.

La conférence aura lieu le 9 novembre 2023 de 19h30 à 21h, à l’amphithéatre AU BORD DE VERRE 2, situé rue du poinçon 15, 1000 Bruxelles.

Toutes les infos ici : https://linktr.ee/sous_influence

Justine Esser

Coordinatrice pédagogique